" Après le débat de mercredi soir et avant le premier tour dimanche 9 octobre, la bataille pour la primaire socialiste entre dans sa dernière semaine. Et se résume désormais à une seule question: quel est le candidat qui pourra, le mieux, battre Nicolas Sarkozy en 2012?
Répondre à la question de savoir quel est le candidat socialiste qui pourra le mieux battre Nicolas Sarkozy aux présidentielles de 2012 constitue désormais l'enjeu principal de la bataille de la primaire. Or, il n'est pas si simple de répondre: l'avance sondagière de François Hollande? le rassemblement à gauche préconisé par Martine Aubry? l'expérience mise en avant par Ségolène Royal? Chacun des candidats a ses arguments à faire valoir. Mais une victoire aux présidentielles passe, non pas par un seul, mais par ces différents éléments combinés. Et quatre facteurs sont à prendre en considération : la présidentialisation du candidat et son expérience; sa capacité à rassembler la gauche au premier tour autour d'un parti dominant renforcé par des alliances solides; son sang froid et sa capacité à encaisser les coups; enfin, la force et l'efficacité de son organisation.
Si on en croit les instituts de sondages (Ipsos, 28 septembre par exemple), François Hollande arrive actuellement en tête de la primaire socialiste autant par sa capacité supposée à battre Sarkozy (42 %) que par ses propositions (43 %). C'est un élément clé dans la motivation de ses électeurs potentiels.
Qui peut le mieux battre Sarkozy? Le premier élément à prendre en compte est la présidentialisation du candidat. Est-il capable d'endosser l'habit de chef d'État ? Sur ce registre, il semble que l'avantage aille à François Hollande, mais Martine Aubry et Ségolène Royal restent également dans le jeu et apparaissent crédibles. Les trois autres candidats ne le sont pas: Baylet parce qu'il est hors-jeu pour des raisons partisanes; Valls parce qu'il n'est ni assez "mainstream", ni encore assez âgé et expérimenté; Montebourg car il est trop excessif pour représenter une alternative crédible et trans-courant aujourd'hui. Valls et Montebourg ont un avenir, mais il ne passe pas par le premier rôle en 2012.
La capacité à rassembler la gauche au premier tour est le second élément déterminant. Une victoire aux présidentielles passe par le rassemblement de son camp, et un jeu intelligent des alliances, surtout s'il y a un risque "21 avril" avec Marine Le Pen pouvant être au second tour. Sans doute, c'est cet élément qui disqualifie le plus Ségolène Royal aujourd'hui car elle ne semble plus en mesure d'unir le PS et, au-delà, la gauche, autour d'elle dès le premier tour de 2012. Son échec en 2007, sa courte défaite au Congrès de Reims, et son isolement depuis, l'empêchent d'être crédible, désormais, pour 2012.
Il est également important d'observer les intentions de vote des électeurs verts, radicaux et communistes dans le cadre des primaires. Le jeu des alliances sera central pour 2012. Compte tenu de la volonté de battre Nicolas Sarkozy à gauche, et du risque Marine Le Pen, on peut faire l'hypothèse qu'un vote utile important aura lieu dès le premier tour des présidentielles en 2012. Le comportement électoral des électeurs du centre et de la gauche du PS au premier tour sera donc déterminant. Si on veut plus de vote du centre dès le premier tour (et cela dépendra aussi de l'offre au centre), François Hollande est le bon candidat ; si on veut plus de vote à gauche et peut-être un plus large rassemblement, Aubry conserve une légitimité. C'est cela, avant tout, qui explique que le face à face Hollande-Aubry apparaît déterminant dans ces primaires.
Reste à savoir celui qui, de Hollande, Royal ou Aubry, sera le plus à même d'encaisser les coups et de tenir le choc du "campaign trail". On l'a vu en 2007, et plus récemment avec l'affaire des rumeurs contre Aubry, ou de la " une " du Figaro sur Tristane Banon/François Hollande, l'Elysée prépare à une campagne violente. Tous les coups seront permis. Face à la violence sarkozyste et à ses plans médias berlusconiens, le candidat socialiste devra faire preuve de sang froid et d'une capacité rare à encaisser les coups. Sur ce point, ni Hollande, ni Aubry ne sont très bien préparés, même si Aubry a montré par le passé, durant la bataille des 35 heures, de la CMU ou plus récemment des rumeurs, qu'elle a pour habitude de ne jamais se laisser déstabiliser: elle rend, oeil pour oeil, dent pour dent, tous les coups que la droite lui donne.
Dernier point: l'organisation. En 2007, Ségolène Royal a montré que son organisation avait fait défaut. Face à la machine sarkozyste, l'appareil royaliste avait été faible dès janvier 2007 et complètement dépassé en terme logistique, idéologique et médiatique au cours du printemps. En 2012, on peut faire l'hypothèse que Nicolas Sarkozy aura à son service une organisation encore plus efficace qu'il y a cinq ans, compte tenu de son expérience et des moyens que lui offrent, légalement ou moins légalement, sa position de chef d'Etat. En terme d'organisation de meetings, de communication, de machine électorale, de propagande idéologique, de force de frappe médiatique et Web, il met actuellement en place des dispositifs innovants (sur lesquels je reviendrai longuement dans cette chronique) qui risquent de lui donner un gros avantage. Et puis, quoi qu'on en dise, il a la légitimité du président sortant, chef d'État expérimenté et chef des armées puissant. Force est de constater que, face à cela, la machine socialiste pêche aujourd'hui par son amateurisme. Et c'est la vraie découverte de ces primaires. Qu'il s'agisse de Royal, Hollande ou Aubry, les trois candidats sont encore des nains qui jouent petit bras, du point de vue de l'organisation, face au potentiel sarkozyste. Staffs réduits, plans médias amateurs, désorganisation : les primaires font apparaître au grand jour la fragilité de la machine socialiste. Peu professionnel, l'appareil de la bataille de 2012 reste à construire pour la gauche. Et les primaires auront au moins servi à cela: être une expérimentation grandeur nature du chemin qui reste à parcourir pour que la gauche gagne en 2012.
Si Ségolène Royal a été redoutablement efficace dans la primaire de 2006 elle a montré ses limites dans les présidentielles de 2007. Que cela serve de leçon à la gauche. Il ne suffit pas de gagner la primaires de 2011, il faudra gagner les présidentielles de 2012. C'est à dire: passer d'une équipe commando à une armée. De l'amateurisme au professionnalisme.
Pour toutes ces raisons, il me semble qu'un vote utile va avoir lieu aux primaires des 9 et 16 octobre. Comme il n'y a pas de risque Marine Le Pen ce mois-ci, les sympathisants socialistes pourront prendre des risques au premier tour. Et donner libre voix à leurs préférences singulières. C'est pourquoi, on peut tout imaginer, y compris une surprise : Ségolène Royal ou Arnaud Montebourg figurant en lieu et place de Martine Aubry au second tour. Mais dans tous les cas de figure, si Royal ou Montebourg parviennent miraculeusement à se hisser au second tour, ils seront battus par François Hollande le 16 octobre. C'est pourquoi, en fin de compte, l'enjeu principal de la primaire se résume désormais, y compris dans ses jeux d'alliances et de désistements, à la bataille Hollande-Aubry, les seuls à pouvoir battre Sarkozy en 2012. "
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